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Éducation

Alphabétisation en français: comment fonctionne le projet pilote à Larochette

La rentrée 2023 a été marquée par le coup d'envoi du projet pilote «Zesumme wuessen!» du ministère de l'Éducation nationale, qui vise à tester l'alphabétisation en français des écoliers du cycle 2.

L'alphabétisation en français est pour Ana Ribeiro (à gauche) et Lisi Rauchs (à droite) une possibilité de satisfaire tous leurs écoliers.
L'alphabétisation en français est pour Ana Ribeiro (à gauche) et Lisi Rauchs (à droite) une possibilité de satisfaire tous leurs écoliers. © PHOTO: Anouk Antony

Tailler ses crayons, préparer son cartable. Avec le retour à l'école, tout se passe comme d'habitude dans la plupart des écoles du Grand-Duché. À l'exception de quatre écoles primaires. À Differdange, Dudelange, Schifflange et Larochette, une partie des élèves n'apprendra plus à lire et à écrire uniquement en allemand, mais aussi en français.

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À Schifflange, quelques enfants de la première classe (cycle 2) ont déjà été alphabétisés en français au cours du dernier semestre. Les trois autres écoles ont commencé à la place avec les classes de cycle 1 et n'ont commencé l'alphabétisation effective qu'à la rentrée.

Celle-ci s'inscrit dans le cadre du programme pilote national «Zesumme wuessen!» du ministère de l'Éducation nationale, qui a été lancé dès l'année scolaire 2022. Afin de réduire les inégalités scolaires dues à la langue, les parents doivent à l'avenir pouvoir décider eux-mêmes si leurs enfants doivent apprendre à écrire et à lire en allemand ou en français. Avant que le projet puisse être étendu à un niveau national selon les plans du ministre de l'Éducation Claude Meisch (DP), il doit toutefois être testé et évalué au sein de ces quatre établissements.

Nous insistons aussi vraiment sur le luxembourgeois afin d'avoir une langue commune.

Romaine Theisen
Directrice régionale de la région de Mersch

Tout comme la politique générale de l'éducation, l'alphabétisation est un sujet qui polarise. Les critiques vont d'un éventuel recul de la langue luxembourgeoise à un surcroît de travail organisationnel pour les enseignants. Ces critiques ne sont pas comprises à l'école primaire de Larochette, où l'on a remarqué, avant même la rentrée, que le projet d'alphabétisation ne changerait en fait pas grand-chose.

Romaine Theisen est responsable de l'école primaire de Larochette.
Romaine Theisen est responsable de l'école primaire de Larochette. © PHOTO: Anouk Antony

«Au cycle 1, nous avons entraîné les compétences dont les enfants ont besoin pour apprendre à lire, à écrire et à calculer au cycle 2 par le biais d'une stimulation linguistique ludique», explique Romaine Theisen, qui, en tant que directrice régionale de la région de Mersch, est également responsable de l'école primaire de Larochette. Les enfants doivent par exemple d'abord apprendre à nommer les objets et à reconnaître les chiffres.

Des comportements différents selon la langue

Ces activités d'apprentissage se déroulaient déjà en partie en français et en allemand, en plus de la langue luxembourgeoise. Ainsi, les enseignantes ont pu non seulement préparer les enfants à l'alphabétisation, mais aussi veiller à ce qu'ils se comportent dans les différentes langues. «Il y a des enfants qui n'ont jamais voulu participer aux activités en allemand. Puis ils se sont épanouis en français», explique Lisi Rauchs, enseignante. Elle a pris en charge les enfants alphabétisés en français dès le début de la nouvelle année scolaire. Une collègue, en revanche, enseigne depuis lors au groupe qui doit apprendre à lire, à écrire et à calculer en allemand.

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Hormis la langue d'alphabétisation et les mathématiques, le groupe d'élèves d'une même classe suit un enseignement commun dans toutes les autres matières secondaires. Le matériel pédagogique est adapté à l'enseignement dispensé en luxembourgeois. Les fiches de travail sont proposées en français ou en allemand.

Romaine Theisen et Lisi Rauchs ne comprennent donc pas la critique souvent formulée selon laquelle le luxembourgeois se perdrait avec une alphabétisation dans une autre langue. Ana Ribeiro, enseignante et présidente du comité d'école, souligne qu'après le modèle du projet pilote, on parle même plus le luxembourgeois qu'avant. «Nous insistons aussi vraiment sur le luxembourgeois afin d'avoir une langue commune», ajoute Romaine Theisen.

Une autre langue à la maison

C'est surtout important en raison de la grande hétérogénéité des langues au Grand-Duché. Rien que dans la petite école de Larochette, il y a des élèves luxembourgeois, allemands, français et portugais, mais aussi des enfants qui parlent le slovaque, le russe, l'italien ou le chinois à la maison. Et alors que les statistiques officielles estiment que 67% des enfants vivant au Luxembourg parlent une autre langue à la maison, selon Ana Ribeiro, ils sont même près de 80% à Larochette.

Il faut aller chercher les enfants, y compris sur le plan linguistique, là où ils sont et où ils se sentent bien.

Ana Ribeiro
Enseignante

Il doit donc être d'autant plus difficile pour les enseignantes de s'occuper de tous les enfants. Mais c'est toujours leur objectif principal, surtout dans le cadre du projet pilote. «Nous voulons organiser le parcours scolaire de chaque enfant de manière à ce qu'il aille le plus loin possible dans la vie. Pour cela, il faut aller chercher les enfants, y compris sur le plan linguistique, là où ils sont et où ils se sentent bien», explique Ana Ribeiro. Comme le français est, selon Lisi Rauchs, la principale langue de communication avec les parents dans de nombreux cas, l'alphabétisation francophone permet également à ces derniers de participer davantage au parcours scolaire de leurs enfants, en les aidant à faire leurs devoirs, par exemple.

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Dans le processus de décision concernant la langue d'alphabétisation appropriée, les parents n'ont jamais été laissés seuls, souligne Ana Ribeiro. «Un travail préparatoire très important a été effectué, par exemple par le biais de réunions d'information ou d'entretiens individuels au cours desquels le profil linguistique de l'enfant a été discuté».

Pas davantage de travail

En effet, l'alphabétisation en français n'est pas automatiquement le bon choix pour un enfant portugais, tout comme l'allemand n'est en principe pas plus facile pour un enfant luxembourgeois. Lisi Rauchs mentionne en outre la «Matinée Alpha» organisée par l'école, au cours de laquelle les parents ont pu entrer en contact avec de nombreux acteurs du projet et poser des questions. «Ils ont alors vu qu'il n'y avait en fait pas de grande différence avec ce qui se passait avant», explique l'enseignante.

Pour les enseignantes elles-mêmes, le projet pilote ne semble pas non plus représenter un véritable changement: «Un enseignant examine de toute façon les besoins de chaque enfant. Et les entretiens avec les parents ont lieu trois fois par an, conformément à la loi. Dans ce sens, ce n'est pas vraiment plus de travail», remarque la directrice régionale Romaine Theisen.

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En général, après une visite à l'école primaire de Larochette, on a l'impression que les enseignants impliqués dans le projet pilote sont bien préparés et soutenus. Ainsi, selon Romaine Theisen, des formations continues de l'Institut de formation de l'éducation nationale (IFEN) ont toujours été organisées, voire des formations individuelles lorsque les enseignants avaient besoin d'aide pour résoudre un problème concret. Cela se poursuit tout au long de l'année scolaire, par exemple lors de la «Journée de l'alphabétisation» du 28 septembre. Outre les enseignants des écoles pilotes, les membres des directions et des municipalités pourront s'inscrire à des ateliers organisés à cette occasion.

Des conseils au niveau international

En outre, une personne accompagnatrice de l'École internationale de Junglinster a été attribuée à l'école primaire de Larochette, raconte Romaine Theisen avec enthousiasme. Laetitia Falk s'était déjà rendue régulièrement à l'école au cours de l'année scolaire précédente pour donner des conseils concrets. Pour elle, l'alphabétisation en français est une véritable valeur ajoutée pour l'école primaire: «La population du pays a changé et l'offre scolaire doit être adaptée en conséquence. Laisser le choix aux parents ne signifie pas renoncer à l'allemand».

La langue d'alphabétisation  détermine si un enfant s'épanouit en classe ou s'il se replie sur lui-même.
La langue d'alphabétisation détermine si un enfant s'épanouit en classe ou s'il se replie sur lui-même.  © PHOTO: Shutterstock

La coopération dans le cadre du projet pilote montre en outre que celui-ci n'est pas en concurrence avec les écoles internationales. Au lieu de cela, selon Laetitia Falk, on donne aux familles la chance de s'intégrer dans le pays. Selon la directrice régionale Romaine Theisen, le fait de pouvoir s'appuyer sur l'expérience d'autres enseignants est un grand avantage pour l'école primaire de Larochette. Elle ne se réfère pas seulement à Laetitia Falk, mais aussi aux autres écoles participant au projet pilote. «Les enseignants sont reliés entre eux et peuvent échanger les résultats de l'alphabétisation.»

Nous sommes fiers de faire partie des quatre écoles. C'est une valeur ajoutée pour nos enfants et nous sommes heureux de pouvoir enfin commencer ce projet.

Ana Ribeiro
Enseignante

Jusqu'à présent, les résultats ont été tout à fait positifs, selon Romaine Theisen. Leur objectif est de pouvoir un jour transmettre leurs propres expériences et d'aider ainsi d'autres écoles lors de l'extension du projet au niveau national. «Peut-être que les stages d'observation n'auront plus lieu dans une école internationale, mais chez nous.»

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Indépendamment de l'attitude personnelle vis-à-vis de l'alphabétisation française, il est compréhensible que la langue allemande représente pour certains enfants un obstacle inutile dans leur parcours scolaire. Dans le cas de l'école primaire de Larochette, cela s'est également reflété dans les résultats du dernier rapport sur l'éducation datant de 2021. La participation au projet pilote était donc l'occasion rêvée de faire bouger les lignes.

Parallèlement, une école plus petite, l'École fondamentale de Larochette, a également été délibérément choisie pour le projet pilote. Ana Ribeiro ajoute: «Nous sommes fiers de faire partie des quatre écoles. C'est une valeur ajoutée pour nos enfants et nous sommes heureux de pouvoir enfin commencer ce projet». S'attendent-ils aussi à des défis? «C'est difficile à dire. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'au début.»

Cet article a été initialement publié dans le magazine Télécran (édition Numéro 40/2023). Pour vous abonner, cliquez ici.
Adaptation: Laura Bannier

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