La fondatrice de la Luxembourg Fashion Week, Fabiola Puga a travaillé pendant 20 ans dans le milieu bancaire. Animée par la mode depuis l’enfance, elle a tout quitté après «un évènement traumatisant» pour recommencer à zéro et se lancer enfin. Aujourd’hui, elle travaille à faire du Luxembourg une place de la mode, au même titre que d’autres pays.  (Photo: Luxembourg Fashion Week)

La fondatrice de la Luxembourg Fashion Week, Fabiola Puga a travaillé pendant 20 ans dans le milieu bancaire. Animée par la mode depuis l’enfance, elle a tout quitté après «un évènement traumatisant» pour recommencer à zéro et se lancer enfin. Aujourd’hui, elle travaille à faire du Luxembourg une place de la mode, au même titre que d’autres pays.  (Photo: Luxembourg Fashion Week)

La 5e édition de la Luxembourg Fashion Week se tiendra le 30 septembre à Differdange et mettra en lumière les collections de dix créateurs, nationaux et internationaux. Rencontre avec sa fondatrice, Fabiola Puga, qui rêve de hisser le Luxembourg au rang de Milan ou Paris. 

La 5e édition de la Luxembourg Fashion Week se tiendra le 30 septembre, quelles seront les spécificités de cette nouvelle édition? 

Fabiola Puga. – «La thématique de l’édition 2023 est la couleur viva magenta, qui se décrit comme un rose-violacé-rouge. Une couleur qui met en avant la joie, l’exubérance, la bravoure, l’optimisme, sans oublier l’élégance. Nous n’imposons pas cette couleur aux designers car nous voulons qu’ils restent libres dans leur création, mais le ton est donné! Tous les ans, il y a des nouveautés à ne pas manquer. Je réserve la surprise et invite les curieux à venir voir le show pour tout découvrir (rires). 

Comment est née la Luxembourg Fashion Week?

«La première édition a vu le jour en 2019. J’avais constaté qu’il y avait des Fashion Week dans pratiquement toutes les grandes villes d’Europe: Paris, Milan, Londres, Madrid, Berlin pour ne citer que celles-là. Selon moi, même si le Luxembourg n’est pas un grand pays en termes de superficie, il ne devait pas être en reste. Je considérais inadmissible que l’on soit à la traine par rapport à d’autres pays ou villes.

Il y avait un besoin de donner l’opportunité et la chance à nos créateurs luxembourgeois de se faire connaître, bien que nous soyons aussi ouverts aux créateurs internationaux. Nous avons du retard sur d’autres villes, mais il est intéressant de voir aujourd’hui le nombre de designers qui veulent participer. Nous sommes obligés d’en refuser certains pour ne pas avoir un show qui dure cinq heures! Quoi de plus avenant qu’une fashion week pour définir les tendances actuelles et lancer la saison de la mode au Luxembourg. C’est dans cette voie que je m’inscris. 

Quel était votre objectif en lançant cet événement? Est-il atteint?

«Faire connaître la mode au Luxembourg à travers des designers nationaux et internationaux. L’idée était aussi de susciter des vocations, d’encourager les designers et de faire en sorte que le Luxembourg puisse aussi exporter quelque chose, comme tous les pays, en matière de mode. Au début cela n’a pas été facile, je n’ai pas rencontré le soutien escompté. On aurait dit que les Luxembourgeois aimaient la mode, mais qu’ils ne voulaient pas la promouvoir. Aujourd’hui, les choses ont changé, et je pense qu’elles vont encore changer dans les années à venir…

La mode est assez fluctuante au Luxembourg et je crois que peu de gens cèdent à leurs inspirations par peur du regard des autres.
Fabiola Puga

Fabiola PugafondatriceLuxembourg Fashion Week

Vous avez longtemps travaillé dans le milieu de la banque, comment s’est opéré le changement vers la mode? 

«Effectivement, j’ai travaillé dans le milieu bancaire pendant plus de 20 ans. Malgré cela, j’ai toujours eu un coup de cœur pour la mode. C’est un univers qui me passionne depuis mes huit ans. Je dessinais et je personnalisais déjà des créations à cet âge! En 2016, j’ai décidé de franchir le cap pour m’engager entièrement dans ma passion. J’ai alors ouvert la F&D Agency et la F&D Academy. J’avais décidé de mettre en suspens ces volets de mon activité à la suite de la pandémie liée au Covid. Ces deux projets renaissent petit à petit.

Quelle perception avez-vous du marché de la mode au Luxembourg? 

«La mode est assez fluctuante ici et je crois que peu de gens cèdent à leurs inspirations par peur du regard des autres. Franchissez par exemple nos frontières et jetez un œil en France ou en Allemagne: la mode y est plus osée. Ici, on met plutôt l’accent sur les accessoires, tels que les sacs de luxe qui sont perçus comme essentiels à la mode. Sur ce point, je n’ai rien à redire.

Il y a de la qualité, du pouvoir d’achat et une forte croissance dans le secteur. Les grandes enseignes de luxe l’ont compris et proposent à la clientèle luxembourgeoise la possibilité de se rendre dans des boutiques situées à deux pas de chez elle, plutôt que de se rendre à Paris, Düsseldorf ou Bruxelles comme par le passé. 

Sous quel «pavillon» cet événement est-il organisé? 

«La Luxembourg Fashion Week est une marque exploitée par une société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, la F&D Sarl, dont je suis l’unique gérante. C’est dans cette même veine que j’ai créé la Luxembourg Fashion Week.

J’imagine toutefois que vous n’êtes pas seule en charge de l’organisation. Comment se composent vos équipes? 

«Je suis en effet la fondatrice, mais je suis soutenue par des personnes talentueuses. Nous avons une responsable en marketing et communication qui a rejoint l’équipe. Nous avons aussi une responsable en modeling qui est la coach en mannequinat. Avec elle, les mannequins bénéficient du savoir-faire et de l’expérience d’une personne qualifiée. Il y a aussi la responsable hair stylist que je connais depuis au moins 20 ans et qui fait partie de l’organisation depuis les débuts. Enfin, nous avons une responsable make-up artist qui supervise l’équipe des maquilleuses pour que les filles soient maquillées en accord avec les tenues de chaque créateur. 

La Luxembourg Fashion Week quitte la capitale pour Differdange cette année, pourquoi ce choix?

«Il s’agit de la troisième ville la plus peuplée du Luxembourg, qui est en grande expansion, tant sur le plan urbain que culturel. Au début de l’aventure, nous avions posé nos valises à Luxembourg-Ville avant de voir la commune de Dudelange, ancienne forge du sud devenue ville culturelle, nous proposer une collaboration, afin de faire rayonner un peu plus la ville. Aujourd’hui, c’est la ville de Differdange qui nous a sollicités avec un projet ambitieux, et nous en sommes ravis. 

À qui s’adresse l’événement et quel type de public attendez-vous?

«Il s’adresse aux amoureux de la mode et à tous ceux qui s’intéressent au mannequinat. Je dirais même qu’il s’inscrit dans un champ plus vaste en ce sens qu’il concerne tout le pays. C’est un événement culturel qui fait rayonner, l’instant de quelques jours, le Luxembourg sur la carte internationale de la mode. Depuis la première édition, j’ai eu de bons retours. 

Quels créateurs et designers participeront?

«Ils seront dix cette année. Nous avons la chance d’accueillir Human Higness, Francini K, Daniel tarazona qui fait de la mode écoresponsable. Ils font partie des têtes d’affiche de la Luxembourg Fashion Week. On peut aussi citer le jeune Yanis Miltgen, un designer talentueux et prometteur. 

Combien de créateurs compte le pays? Quelles sont les difficultés qu’ils peuvent rencontrer pour «percer»?

«Il y en a plus d’une dizaine, c’est certain. Et certains seront d’ailleurs là pour le défilé. Il y a un grand potentiel de futurs créateurs selon moi. J’ai récemment visité le Lycée des Arts et Métiers, et j’ai vu des choses très intéressantes.

Toutefois, les élèves suivaient des programmes d’ordre plutôt général et j’ai été étonnée de voir qu’il n’y avait pas plus d’opportunités offertes pour qu’ils développent leur fibre artistique. Il existe un brevet de maitrise au Luxembourg dans le domaine de la couture, mais pas un brevet de designer de mode. C’était le sens de la Fashion & Design Academy que j’avais ouvert en 2016. 

Vous êtes-vous fixé un objectif pour cette édition? 

«Toucher un public plus large et hétéroclite, parce que la mode est hétéroclite. Elle n’est jamais à sens unique. De même, il y a un grand besoin de faire basculer la Luxembourg Fashion Week dans une autre sphère, comme dans les autres grandes villes. J’y travaille! 

Quelles sont les tendances de consommation de mode les plus marquantes au Luxembourg selon vous? 

«Généralement, nous suivons la tendance des places fortes de la mode que sont Paris et Milan. Depuis quelques années, les ensembles denim et cuir ont refait leur apparition. La tendance cette année était plus tournée vers le confort, avec des tenues décontractées et des pièces plus larges comme les pantalons amples et droits, le baggy. Les jupes étaient aussi plus droites et plus longues. Mais aujourd’hui, il faut compter avec les réseaux sociaux qui sont un facteur clé dans les tendances à suivre, et le Luxembourg ne déroge pas à la règle. 

On sent une prise de consciente grandissante sur la question de la mode éthique, de la slow fashion contre la fast fashion. Est-ce une dimension que l’on retrouvera lors de l’événement?

«Effectivement, il y a un changement de mentalité à se tourner vers la mode durable au Luxembourg, et bien évidemment, elle aura sa place à la Luxembourg Fashion Week. Nous promouvons la slow fashion déjà depuis quelque temps. J’ai eu l’occasion de travailler avec beaucoup de stylistes de ce secteur et certaines collections ne sont pas encore prêtes pour un défilé. Elles le seront pour les prochains évènements.

Toutefois, nous aurons Daniel Tarazona qui fait un travail remarquable avec le recycling et des tissus écoresponsables. Il avait déjà défilé en 2022. Entretemps il a parcouru le monde avec sa collection et son travail artistique, il revient cette année nous proposer sa vision encore plus pointue de la slow fashion. La marque Awka sera aussi présente et propose un concept de mode durable et écoresponsable. À terme, nous prévoyons d’accueillir plus de designers de ce courant. 


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Pour l’heure, la mode ne semble pas être une industrie qui intéresse le pays autant que la finance ou la tech. Comment contribuez-vous à changer cela?

«Les Luxembourgeoises et les Luxembourgeois adorent pourtant la mode. Observez bien les femmes et les hommes, jeunes ou moins jeunes, dans la rue, ils s’intéressent à la mode. C’est le soutien de l’État, l’adhésion du pouvoir public au sujet qui manquent. Prenez l’exemple de Paris avec cinq grands lieux sublimes dédiés à la mode: le Palais Galliera, la Galerie Dior, le Musée des arts décoratifs, le Musée Yves Saint Laurent que l’on ne présente plus et le nouveau spot LV Dream. Si nous pouvions avoir ne serait-ce qu’un seul lieu, même à taille moyenne, dédié à la mode au Luxembourg, nous commencerions peut-être à enclencher un mouvement collectif et culturel sur ce secteur. 

Qu’est-ce qui manque au Luxembourg pour devenir une place internationale de la mode?

«Le soutien et la conscience collective de la chose “mode”. Aucune place forte de la mode dans le monde ne l’est devenue sans le soutien du pays où elle voit le jour. L’outil est là, je l’ai créé, il faut le promouvoir. La balle est aussi dans le camp du collectif! (rires)»

La Luxembourg Fashion Week se tiendra le 30 septembre au Hall’O, 36 Av. Parc des sports, à Oberkorn (Differdange). Ouverture des portes à 18h30. À 20h, présentation du programme de la soirée. Début du show à 20h15. Spectacle de la mi-temps à 21h15. Reprise du show à 21h30. Fin du show et after party à 22h30.

L’achat des tickets se fait . À l’heure où nous publions cet article, il reste encore des places disponibles.